UN MATIN, S’ÉTIRER JUSQU’AUX BOUTS DU MONDE
Du 14 au 19 février 2022
• Résidence de recherche •
Un matin, s’étirer jusqu’aux bouts du monde dit, chuchote, murmure, danse, trébuche le besoin impérieux de trouver du sens à nos actes pour survivre aux événements mortifères, aux actualités dramatiques qui impactent notre élan vital.
Le récit ne raisonne pas les évènements, les drames ; il questionne notre intime, droit dans les yeux. Quels choix, quelles déconstructions d’acquis, quelles migrations internes à mettre en œuvre pour saisir la vie, tenter de… toujours ?
Une auteure-performeuse et un compositeur-improvisateur nous immergent dans un Monodrame pour une voix et live electronics aux accents férocement pluriels. La singularité de leurs deux présences (sauvages, intuitives, inventives, nues, libres), leur langue, leur corps, leur voix, leur musique, leurs spectres sonores, leur accouplement furieux autant qu’étrange accouche une matière neuve, charnue, fluide où la pluralité des je respire éperdument. Tous deux cheminent, attentifs gourmands aux surgissements de l’invisible qui naît de la friction de leurs mondes, dans la jubilation de leurs accordages. Ils frottent leurs univers, développent (sueur à l’appui) une écriture basée sur l’organicité des matières sonores au contact (texte, voix et ses ambitus, musique improvisée, traitements sonores…). Ils brassent de concert la matière inconnue d’une langue nouvelle, une langue hybride qui ne cesse de se déployer, de se muscler au fur et à mesure qu’ils l’incorporent et l’apprennent. Une langue polyphonique, polymorphe qui nous garde vivants.
Extrait
» Ça y est, je sais, je sais ce qui s’est passé en moi avec Charlie. Ces enculés ont génocidé le bol d’air et d’eau de mon enfance, c’est ça – 7 janvier 2015, 10 rue Nicolas-Appert (Paris, 11ème), Charlie Hebdo. Salle de rédaction. 11 blessés, 12 morts – qui m’a rendu dingue. Il a fallu que je fasse le Mont Blanc pour me calmer, c’est pour ça que j’ai quitté Paris. Qu’est-ce qu’on fait ? Je t’ai dit ça de Paris, toi t’étais à Berlin. Je t’ai dit en pleurant j’ai besoin de faire quelque chose de grand, tu m’as dit t’as toujours rêvé de faire le Mont Blanc, on va faire le Mont Blanc. Et on s’y est collé. «
Distribution
Texte : Catherine Phet, Anne Lefèvre
Performance : Anne Lefèvre, François Donato
Musique Live Electronics : François Donato
Assistanat : Catherine Phet
Lumière : François Donato
Durée : 1h
BRISBY (blasphème !)
Brisby ( blasphème !) est un seul en scène interprété par Julie Papin et co-mis en scène avec Lucas Chemel. Il est écrit par Théophile Dubus – lauréat de l’aide à la création ARTCENA pour son texte Variation (copies !).
C’est un texte virtuose, vingt personnages pour une actrice, un texte plein d’humour et de cruauté.
C’est une histoire qui raconte cette lutte contre le sentiment de solitude, cette nécessité de se créer des fictions quand tout semble perdu… Tout cela se passe dans un monde lointain, rongé par une épidémie. La Reine de ce monde, Pénéplaine, n’est pas seule. Elle est enceinte. Très enceinte. Tellement enceinte qu’elle risque d’accoucher à tout moment. Un bébé qui, selon elle (et les Textes !), va sauver son monde.
Et dans l’attente de cette arrivée, viendront lui rendre visite, personnages extravagants, animaux divers, Ding Dong, présence fantomatique, Cui Cui… ne lui laissant pas une minute de répit. Pénéplaine va être prise dans un tourbillon, peut-être le tourbillon de sa propre fiction. Elle va désespérément essayer de tenir bon, de ne pas craquer, de survivre, et d’enfanter.
Seulement, Brisby (le bébé en question) sera-t-il vraiment la réponse qu’elle attend ?
JE NE VOUS DIRAI RIEN
Cette création est un montage de deux monologues : L’Actrice Empruntée (2003) de Fabrice Melquiot et Interprétation des rêves (2007) d’Ewald Palmetshofer. L’Actrice Empruntée est utilisé dans notre narration pour évoquer l’après meurtre, tandis que Interprétation des rêves introduit le moment du meurtre.
Poursuivant notre travail sur la rencontre entre les mots et les gestes, le texte L’Actrice Empruntée nous a tout de suite inspiré puisque le récit met en scène une femme contrainte à parler par la présence du public. Arrêtée dans son mouvement, elle est conviée de manière impromptue à venir parler au public, alors qu’elle venait récupérer un objet au théâtre. Bien qu’elle soit actrice, elle ne parvient pas à improviser, à trouver les mots et se dévoile peu à peu à travers l’évocation de son métier.
Dans ce texte bref, le corps est convoqué par quelques didascalies (elle regarde autour d’elle comme pour chercher une sortie, elle sourit, regarde ses mains etc.). Ce condensé des émotions met en valeur le regard, qui cherche à fuir le face-à-face. Le contact avec le public qui se fait voyeur est en même temps complice de cette intimité. Une tension vers autrui se construit.
À partir de ce monologue de Fabrice Melquiot, nous avons pris la liberté de créer une nouvelle narration afin de développer cette contrainte à parler, cette recherche de mots, ainsi qu’une nouvelle adresse.
Dans Je ne vous dirai rien, l’actrice qui est le personnage principal, se retrouve en prison. Dans l’attente d’un rendez-vous au parloir, la douleur de ses mains la ramène à son crime. À travers une analepse, le spectateur assiste à l’aveu du meurtre. C’est à ce moment précis que le corps prend toute sa place.
Anéantie d’avoir cédé aux avances de son metteur en scène dans les loges du théâtre, elle l’étrangle avec son foulard. Prise au piège par l’arrivée du veilleur de nuit, elle essaie de trouver les mots pour justifier sa présence et finit par lui avouer son meurtre. Ce dernier devient donc un témoin potentiel. L’actrice, ne trouvant pas les mots pour justifier sa présence en ce lieu, va finir par se taire pour laisser place au corps dansé qui représente l’aveu. Sur scène, l’adresse n’est plus au public, mais à ce témoin. Car comme le nomme si bien Eric Lacascade : “Ce dont on ne peut plus parler, il faut le danser”.
Dans toutes nos créations, nous laissons une grande part à l’imaginaire. Nous faisons le choix de ne pas nommer la victime, ni le témoin potentiel. Nous mettons l’accent sur le langage et sur la manière dont un corps peut prendre le relai des mots pour s’exprimer.
NOVA MUNDO
« Les secrets de la physique, de la matière, peuvent s’expérimenter dans un rapport profond au langage ». Cette phrase prononcée par Valère Novarina lors d’une conférence établit une connexion entre la matière dite inerte et la matière vivante.
Nova Mundo est né de cette connexion, des questionnements personnels qu’elle a suscités et du maillage de mes interrogations sur les mystères de l’Univers, du vivant et de l’Homme.
Écrire sur l’Homme. Ce qu’il est, a été et ce qu’il restera. À travers les époques, de la naissance de l’Univers à l’apparition de l’humanoïde. Pourquoi et comment il manie la parole. Ce qu’il traverse, sa place, sa trace. Le voir à cru. Interroger sa liberté.
Naviguer à la croisée des sciences, des croyances et des arts. Installer le spectateur dans un observatoire et lui donner à voir l’Homme.
Puis, changer son angle de vue, le mettre dans le bocal.
Aimeriez-vous sonder les mystères de l’univers ?
Donner le pouvoir à votre curiosité et à votre imagination ?
Si vous aviez ce pouvoir, quel serait le premier mot ?
Comment réécririez-vous l’Histoire et la vie ?
Nova Mundo, une exploration quantique haute en couleurs et en questionnements. À l’image des constellations dans l’univers, les 7 comédiens gravitent sur scène, tantôt matière et particules, tantôt surgissant telles des paroles irrépressibles. Sur des textes finement ciselés, le spectateur est invité au cœur des pensées de l’auteur, où les comédiens, comme des fulgurances, jaillissent des dimensions infinies du cerveau humain et traversent les mondes. Une performance sensorielle et philosophique.
Quel chemin allez-vous suivre ?
SILENCES
Silences est un projet qui réunit deux éléments essentiels, mais jusque-là séparés de mon travail : la création chorégraphique et l’écriture. La rencontre avec l’univers littéraire de Joë Bousquet a agi comme un déclencheur. Paralysé par une balle qui lui sectionna la moelle épinière lors de la Première Guerre mondiale, écrivant alité, Bousquet a écrit des textes qui d’emblée m’ont semblé de nature chorégraphique. Comme en dialogue avec la recherche d’Hijikata, le fondateur du butô.
En écho des sensations d’enfermement que j’explorais jusqu’alors dans mon travail chorégraphique, les textes de Bousquet ont ouvert un chemin en germe dans mon parcours : la danse se danse, la danse s’écrit. Et l’écrit donne à danser.
Silences signe ce passage du souffle à la poésie sonore, de la rétention du souffle à la sortie de l’oralité. Avec pour ambition de jouer avec le perceptible, de nommer l’invisible dans la danse, de dévoiler les moteurs internes et imaginaires du geste. Faire danser les mots, et traduire en mots l’invisible de la danse.
DOLLDRUMS
DOLLDRUMS raconte l’histoire d’un gang de jeunes adolescents ayant pour projet de débarrasser le monde des adultes en les faisant régresser jusqu’à la prime enfance. Isolés sur un territoire où règne la tyrannie de l’imaginaire, ils vouent un culte aux poupées qu’ils conçoivent avec la matière de leurs otages dans l’espoir que ces avatars vieillissent et souffrent à leur place.
Cette fable, écrite à la croisée d’Orange mécanique et de Peter Pan, interroge les désirs, les ressources et les dangers d’une jeunesse livrée à elle-même. Héritière d’un monde au déclin annoncé, condamnée à l’ascèse ou au suicide par la consommation, elle lutte, à sa manière, pour refuser sa dette au tragique qui toujours impose à l’enfant de payer pour l’hubris de son père.
Notes
J’ai toujours suspecté cette appellation « spectacle de sortie d’école ». Impossible pour moi de ne pas y entendre un mépris envers les choses naissantes ou plus précisément, d’une peur face à la naissance. Hannah Arendt le disait au sujet de ce qu’elle appelait dans La crise de l’éducation « les nouveaux venus » : ils sont pour le monde sa plus belle promesse comme sa plus grande menace. Ainsi, avant même d’avoir à imaginer quoi que ce soit, nous avions, avec les élèves, déjà beaucoup pour commencer. La scène à venir de leur sortie était d’emblée préoccupée par tout un ensemble de considérations autour de la génération, l’héritage, la reproduction, la descendance, la filiation, la trahison et la rupture, le deuil de l’enfance, la maturité, le surgissement de l’inédit, la reconnaissance et la mort des pères.
Et c’est donc en respectant du mieux que j’ai pu l’hypothèse de travail que je leur avais proposée, à savoir, traduire en forme théâtrale ce qui surgit spontanément de nos imaginaires et dans nos corps, que j’ai écrit ce texte à leur adresse. Un texte assez long. Pas toujours facile. Taillé à plusieurs endroits dans mes obsessions acoustiques. Un texte sur la déprivation et les violences juvéniles. Sur la mort qu’il nous faut traverser pour devenir et grandir. Sur l’amour déchirant et loyal à l’égard de ce qui nous enfante et nous aliène. Sur le courage insensé qu’il nous faut conquérir pour préférer la vie quand tout, autour de nous, se repaît de désastre et d’idéaux dystopiques. Nous avions donc beaucoup à quoi nous confronter. Et c’est ce qui, au départ, était une nécessité pédagogique, du moins le pensais-je, qui a fini par devenir un processus de création. Il a été question de préférer l’élan et l’essor à l’intention. De respecter, poursuivre et raffiner nos intuitions – même les plus insolites – jusqu’à l’écriture de signes organisés. De ne jamais préjuger du destin d’une provenance. De formuler avec la plus grande distinction ce à quoi nous pensions assister. De laisser le possible émerger dans le travail étendu d’un motif. D’accueillir la nuit qui creuse chaque répétition, pour, aveugle, y plonger de tout notre poids et se laisser dériver au gré des courants. De croire que l’onde, toujours, dicte ses rives et non l’inverse. D’estimer ce qu’il y a comme l’indice de notre nécessité. Ainsi, des matières se sont agrégées, des formes sont apparues et nous les avons habitées pour nous imprégner de leur sens à venir. C’est le contraire d’un projet. C’est ce qui advient quand on se laisse faire par les forces qui nous font et nous font faire. C’est ce qu’on appelle un travail de création.
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Un mot encore, sur l’école cette fois-ci. Car c’est d’elle aussi dont je parle, depuis laquelle, me semble t-il, je n’ai jamais cessé de parler. L’école, concernant le théâtre, est étrangère à la scolarité. Aucun savoir ne s’y dispense. Elle est la pratique réitérée d’une source et d’un soupçon. Les choses y sont obscures et violentes, confondues et confondantes, impossibles, féroces, secrètes, sensuelles, puissantes, à la fois précoces et en retard, poreuses, étroites et grossières, monstrueuses, discrètes, délicates, arides, légères, blessantes, sublimes et friables. Quelque chose y pousse dans la clandestinité et la témérité des graines qui fouillent de sillons la terre toujours déjà foulée par d’autres, morts ou vivants, d’ici ou d’ailleurs. Le travail y consiste alors à ne surtout pas vouloir faire mourir la graine en fruit. Car les fruits sont pour demain. Aujourd’hui, nous travaillons à savourer le rêve et le désir d’un fruit. Et le spectacle DOLLDRUMS se veut comme la morsure d’un de ces fruits rêvés. Un appétit dévorant d’avenir. Du moins, tel est mon souhait et l’exigence que je partage avec Fanny Barthod, Léïa Besnier, Pierre Bienaimé, Laurence Bolé, Adeline Bracq, Étienne Caloone, Théophile Chevaux, Stan Dentz-Marzin, Claire Freyermuth, Camille Grillères, Noémie Guille, Mélanie Helfer, Guilhem Logerot et Théotime Ouaniche, au côté de mon acolyte-ami Charles-Henri Wolff.
MUES
Magies, soulèvements et autres phénomènes pour le monde à venir
Par où recommencer ? Et dans quel sens ? Avec qui ? Questions exacerbées par l’époque, le post-confinement, les vacillements du milieu, du pays, du monde – en même temps, Montaigne le disait déjà en son temps : « Le monde n’est qu’une branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse : la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d’Egypte, et du branle public et du leur. La constance même n’est autre chose qu’un branle plus languissant. » Il y a, étonnamment, et à l’échelle de la Compagnie, une certitude : nous repartons ensemble, et depuis plus de vingt ans, ce n’est pas rien, avoir encore des espaces à creuser, explorer des façons de faire, et, au-delà de ce qui nous lie, d’affirmer, dans le paysage contemporain, un duo de créatrices.
En mars 2020, la Compagnie Tire pas la Nappe, à l’invitation conjointe de Carole Thibaut directrice du CDN de Montluçon et de Laëtitia Guédon, directrice des Plateaux Sauvages, se lance dans l’aventure du Grand Brasier. Des duos et trios de créatrices se forment. Marion Aubert rencontre Solenn Denis, de la Compagnie le DENISIAK, et Aurélie Van Den Daele, du Deug Doen Group.
Au début, il s’agissait de répondre à une commande sur le thème des Sorcières.
LE RANG DES ARTICHAUTS
Dans la salle, le spectacle vient de commencer… Deux hommes, Ros et Wag, se retrouvent seuls au foyer du théâtre, où est dressé un somptueux buffet de première.
Bientôt rejoints par Cosibella qui les accueille généreusement, ils partagent leurs souvenirs en échangeant sur les perspectives de l’avenir de la musique.
Sont-ils vraiment Wagner et Rossini ou leur possible incarnation contemporaine ?
Volontairement sortis du strict contexte historique, les échanges de ces deux géants de la musique apparaissent extraordinairement actuels.
MINABLE UMAIN / BLURNOUT
Minable Umain met en scène une employée devant accomplir, avant le soir, une tâche qu’elle se sait incapable de réaliser. Elle explorera alors toutes les possibilités qui s’offrent à elle, des plus évidentes aux plus absurdes.
Ce spectacle est un solo tout public pour une comédienne, sur un texte de Romain Nicolas inspiré par des témoignages de salarié·e.s du tertiaire autour de la souffrance au travail et du burn-out.
Mêlant rire et tragique, joie langagière et inquiétude(s), il déploie un dispositif scénique léger reposant avant tout sur la langue et le jeu d’acteur.
NUIT
C’est l’histoire de la dernière nuit, entre rêve et réalité, de Jean. Une nuit d’errance, de rencontres, de paroles, de drogues et d’alcool, une nuit intime et la nuit d’une époque. Il croise des femmes, des amis, sa mère, son enfant, les fantômes de sa vie… Sa dernière nuit, drôle et tragique, avance vers sa propre mort, inexorablement.
J’ai voulu écrire un requiem pour ma génération, celle née après la guerre froide en Occident, ayant connu l’avènement d’internet à sa majorité, n’ayant vécu sa sexualité que sous fond de sida, ayant grandi au son de l’électro et des chiffres du chômage, dans la banalisation des drogues, et abreuvée par la télévision, les radios libres, les commencements de l’information continue. Sans bien comprendre qu’on était peut-être à la fin du monde, on vivait comme si on était à la fin de l’Histoire. Par manque d’idéal ou par manque d’espoir je ne sais pas, on ne s’est jamais trop projetés.
Ce texte me semble parler de cela : une nuit occidentale, des désirs malades, une foi vide, des corps-objets, des héritages inopérants, une banalité bavarde et inconséquente, qui n’aboutissent – pour le moment – à rien. Ou à contribuer au pire. Nuit est un non-éloge funèbre pour enterrer un rapport au monde, pour qu’en naisse un autre, parce que le monde lui-même nous y assigne aujourd’hui. Une invitation à construire de nouveaux châteaux de sable.
C’est aussi l’histoire d’un groupe, le Collectif Moebius, sorti de l’ENSAD en 2008. Il y a 10 ans, je signai avec eux ma première mise en scène, Sans pères. Aujourd’hui, nous avons changé. Notre groupe aussi. Notre monde aussi.