JE NE VOUS DIRAI RIEN
Cette création est un montage de deux monologues : L’Actrice Empruntée (2003) de Fabrice Melquiot et Interprétation des rêves (2007) d’Ewald Palmetshofer. L’Actrice Empruntée est utilisé dans notre narration pour évoquer l’après meurtre, tandis que Interprétation des rêves introduit le moment du meurtre.
Poursuivant notre travail sur la rencontre entre les mots et les gestes, le texte L’Actrice Empruntée nous a tout de suite inspiré puisque le récit met en scène une femme contrainte à parler par la présence du public. Arrêtée dans son mouvement, elle est conviée de manière impromptue à venir parler au public, alors qu’elle venait récupérer un objet au théâtre. Bien qu’elle soit actrice, elle ne parvient pas à improviser, à trouver les mots et se dévoile peu à peu à travers l’évocation de son métier.
Dans ce texte bref, le corps est convoqué par quelques didascalies (elle regarde autour d’elle comme pour chercher une sortie, elle sourit, regarde ses mains etc.). Ce condensé des émotions met en valeur le regard, qui cherche à fuir le face-à-face. Le contact avec le public qui se fait voyeur est en même temps complice de cette intimité. Une tension vers autrui se construit.
À partir de ce monologue de Fabrice Melquiot, nous avons pris la liberté de créer une nouvelle narration afin de développer cette contrainte à parler, cette recherche de mots, ainsi qu’une nouvelle adresse.
Dans Je ne vous dirai rien, l’actrice qui est le personnage principal, se retrouve en prison. Dans l’attente d’un rendez-vous au parloir, la douleur de ses mains la ramène à son crime. À travers une analepse, le spectateur assiste à l’aveu du meurtre. C’est à ce moment précis que le corps prend toute sa place.
Anéantie d’avoir cédé aux avances de son metteur en scène dans les loges du théâtre, elle l’étrangle avec son foulard. Prise au piège par l’arrivée du veilleur de nuit, elle essaie de trouver les mots pour justifier sa présence et finit par lui avouer son meurtre. Ce dernier devient donc un témoin potentiel. L’actrice, ne trouvant pas les mots pour justifier sa présence en ce lieu, va finir par se taire pour laisser place au corps dansé qui représente l’aveu. Sur scène, l’adresse n’est plus au public, mais à ce témoin. Car comme le nomme si bien Eric Lacascade : “Ce dont on ne peut plus parler, il faut le danser”.
Dans toutes nos créations, nous laissons une grande part à l’imaginaire. Nous faisons le choix de ne pas nommer la victime, ni le témoin potentiel. Nous mettons l’accent sur le langage et sur la manière dont un corps peut prendre le relai des mots pour s’exprimer.
SILENCES
Silences est un projet qui réunit deux éléments essentiels, mais jusque-là séparés de mon travail : la création chorégraphique et l’écriture. La rencontre avec l’univers littéraire de Joë Bousquet a agi comme un déclencheur. Paralysé par une balle qui lui sectionna la moelle épinière lors de la Première Guerre mondiale, écrivant alité, Bousquet a écrit des textes qui d’emblée m’ont semblé de nature chorégraphique. Comme en dialogue avec la recherche d’Hijikata, le fondateur du butô.
En écho des sensations d’enfermement que j’explorais jusqu’alors dans mon travail chorégraphique, les textes de Bousquet ont ouvert un chemin en germe dans mon parcours : la danse se danse, la danse s’écrit. Et l’écrit donne à danser.
Silences signe ce passage du souffle à la poésie sonore, de la rétention du souffle à la sortie de l’oralité. Avec pour ambition de jouer avec le perceptible, de nommer l’invisible dans la danse, de dévoiler les moteurs internes et imaginaires du geste. Faire danser les mots, et traduire en mots l’invisible de la danse.
« Tout est MÉTAMORPHOSES ? »
(Titre provisoire)
C’est à un moment clef de leur chemin que j’ai rencontré les comédien.nes de cet ensemble de l’Ensad. Au dernier tour de leur concours d’entrée. Il y a deux ans. Je me souviens particulièrement encore de leur singularité, et je me souviens de cette sensation qui m’avait fortement habitée en travaillant avec eux, ce « Au Monde » de Vitez, cet appel d’un théâtre qui réagit à son temps.
J’avais été surprise par leurs corps, ce qu’ils portaient, dégageaient, livraient : d’une vitalité sauvage à l’inscription d’une déjà forte expérience. Je me souviens d’un enthousiasme à les imaginer au sein de spectacles, porteurs d’un sacré possible d’humanités, dans ces diverses facettes. Et nous décidions en plus qu’ils seraient quatorze !
Deux années ont passé et c’est avec joie que je les retrouve pour cette création. Deux années où dans ce chamboulement général, j’ai beaucoup pensé à eux, comme à cette jeunesse enfermée à qui l’on peint à longueur de journée un monde sans lueur, sans projection possible. Comment l’habiter ? Comment s’y construire ?
Je me suis alors intéressée à ce mythe des plus profonds qui nous accompagne depuis tout temps – et plus particulièrement en des moments troubles, comme s’il avait une puissance de réparation : celui de la métamorphose.
La métamorphose comme une défense de l’imagination : du pouvoir merveilleux de transformer le monde, de le transfigurer. La métamorphose comme un phénomène scientifique fondamental du vivant : un monde toujours mobile, théâtre de perpétuelles mutations : humaines, animales, végétales, géologiques.
Et c’est avec ce thème que j’ai décidé de réunir ces comédien.nes, de questionner le monde et le théâtre.
D’une enquête sur la/les métamorphoses
De l’antiquité à aujourd’hui, les métamorphoses traversent nos identités.
Nous partirons d’une enquête sur la/les métamorphose(s) : des textes antiques (les Métamorphoses d’Ovide…), aux contes qui nous habitent depuis l’enfance (Pinocchio/certains de Grimm), aux romans (Kafka…), aux traités et essais scientifiques (biologie/botanie/ apiculture/jardinage/météorologie…), aux pièces de théâtre, jusqu’aux peintures, mangas, Bd, films, séries, jeux vidéos et actualités.
Chaque comédien.ne s’emparera de ce sujet, en un point précis : là où cela reveille son rapport à l’intime, aux autres, et au monde.
Nous accueillerons toutes les métamorphoses, qui correspondent aux désirs, et aux questions de ces 14 comédien.nes.
À partir de ces matières collectées, d’un « grenier » commun de cette mémoire, nous éprouverons au plateau, comment ces métamorphoses se performent.
Les Cartes Blanches sont des projets écrits, mis en scène et joués par les étudiante.s de la promotion 2022.
« Elle est partie avec lui et elle a rien dit
Elle est partie et elle nous a laissé toute sa merde
Il m’a dit votre appartement de merde
Mais moi j’lui dis j’tai pas demandé d’aller dedans
Il était bien content de l’avoir il travaillait pas
J’pense que l’autre il paye la maison et elle
Elle paye tout l’reste pi elle du coup elle a pas une flèche
C’te grosse con tellement elle est con. »
Les Cartes Blanches sont des projets écrits, mis en scène et joués par les étudiante.s de la promotion 2022.
KIIL
« J’ai vu-verrai tout cela… Je l’ai touché ! Nul besoin de fermer les yeux, il fallait tendre la main. Mais vous étiez trop occupé à vous caresser le ventre pour avoir ne serait-ce que l’idée de caresser le monde là-bas, et je ne parle pas de votre « grand-sommeil » à l’emporte pièce ! Je ne veux pas de votre rêve avec code, uniforme et soumission, et puis les pieds nus froids sur le marbre des salles communes ça me file des rhumes. Cet horizon qui se ferme là-bas, je l’ouvrirai. J’inventerai des pays, des terres, des feuilles, et jusqu’aux histoires qu’on se raconte dans les foyers qui germinent au-delà d’ici et partout à la fois. On parle d’un lieu, dans les écrits, à l’Ouest, où la terre n’est pas encore crée. On dit qu’elle évolue en fonction des sentiments de celui qui s’y trouve. Et il s’y crée des collines, des mers, des montagnes, des gouffres, devant nous, seuls, notre paire d’yeux à nous. J’irai, moi, cligner des yeux là-bas. Il paraît qu’on y meurt aussi parfois…»
Les Cartes Blanches sont des projets écrits, mis en scène et joués par les étudiante.s de la promotion 2022.
LA SAGRADA FAMILIA
« Il était
Il n’y avait pas de lumière
Mais les bandes blanches étaient éclairées
Ou alors c’était des néons
En tout cas il y avait son visage. »
MUES
Magies, soulèvements et autres phénomènes pour le monde à venir
Par où recommencer ? Et dans quel sens ? Avec qui ? Questions exacerbées par l’époque, le post-confinement, les vacillements du milieu, du pays, du monde – en même temps, Montaigne le disait déjà en son temps : « Le monde n’est qu’une branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse : la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d’Egypte, et du branle public et du leur. La constance même n’est autre chose qu’un branle plus languissant. » Il y a, étonnamment, et à l’échelle de la Compagnie, une certitude : nous repartons ensemble, et depuis plus de vingt ans, ce n’est pas rien, avoir encore des espaces à creuser, explorer des façons de faire, et, au-delà de ce qui nous lie, d’affirmer, dans le paysage contemporain, un duo de créatrices.
En mars 2020, la Compagnie Tire pas la Nappe, à l’invitation conjointe de Carole Thibaut directrice du CDN de Montluçon et de Laëtitia Guédon, directrice des Plateaux Sauvages, se lance dans l’aventure du Grand Brasier. Des duos et trios de créatrices se forment. Marion Aubert rencontre Solenn Denis, de la Compagnie le DENISIAK, et Aurélie Van Den Daele, du Deug Doen Group.
Au début, il s’agissait de répondre à une commande sur le thème des Sorcières.