ENSAD Montpellier • Charly Breton

DOLLDRUMS

DOLLDRUMS raconte l’histoire d’un gang de jeunes adolescents ayant pour projet de débarrasser le monde des adultes en les faisant régresser jusqu’à la prime enfance. Isolés sur un territoire où règne la tyrannie de l’imaginaire, ils vouent un culte aux poupées qu’ils conçoivent avec la matière de leurs otages dans l’espoir que ces avatars vieillissent et souffrent à leur place.

Cette fable, écrite à la croisée d’Orange mécanique et de Peter Pan, interroge les désirs, les ressources et les dangers d’une jeunesse livrée à elle-même. Héritière d’un monde au déclin annoncé, condamnée à l’ascèse ou au suicide par la consommation, elle lutte, à sa manière, pour refuser sa dette au tragique qui toujours impose à l’enfant de payer pour l’hubris de son père.

Notes
J’ai toujours suspecté cette appellation « spectacle de sortie d’école ». Impossible pour moi de ne pas y entendre un mépris envers les choses naissantes ou plus précisément, d’une peur face à la naissance. Hannah Arendt le disait au sujet de ce qu’elle appelait dans La crise de l’éducation « les nouveaux venus » : ils sont pour le monde sa plus belle promesse comme sa plus grande menace. Ainsi, avant même d’avoir à imaginer quoi que ce soit, nous avions, avec les élèves, déjà beaucoup pour commencer. La scène à venir de leur sortie était d’emblée préoccupée par tout un ensemble de considérations autour de la génération, l’héritage, la reproduction, la descendance, la filiation, la trahison et la rupture, le deuil de l’enfance, la maturité, le surgissement de l’inédit, la reconnaissance et la mort des pères.

Et c’est donc en respectant du mieux que j’ai pu l’hypothèse de travail que je leur avais proposée, à savoir, traduire en forme théâtrale ce qui surgit spontanément de nos imaginaires et dans nos corps, que j’ai écrit ce texte à leur adresse. Un texte assez long. Pas toujours facile. Taillé à plusieurs endroits dans mes obsessions acoustiques. Un texte sur la déprivation et les violences juvéniles. Sur la mort qu’il nous faut traverser pour devenir et grandir. Sur l’amour déchirant et loyal à l’égard de ce qui nous enfante et nous aliène. Sur le courage insensé qu’il nous faut conquérir pour préférer la vie quand tout, autour de nous, se repaît de désastre et d’idéaux dystopiques. Nous avions donc beaucoup à quoi nous confronter. Et c’est ce qui, au départ, était une nécessité pédagogique, du moins le pensais-je, qui a fini par devenir un processus de création. Il a été question de préférer l’élan et l’essor à l’intention. De respecter, poursuivre et raffiner nos intuitions – même les plus insolites – jusqu’à l’écriture de signes organisés. De ne jamais préjuger du destin d’une provenance. De formuler avec la plus grande distinction ce à quoi nous pensions assister. De laisser le possible émerger dans le travail étendu d’un motif. D’accueillir la nuit qui creuse chaque répétition, pour, aveugle, y plonger de tout notre poids et se laisser dériver au gré des courants. De croire que l’onde, toujours, dicte ses rives et non l’inverse. D’estimer ce qu’il y a comme l’indice de notre nécessité. Ainsi, des matières se sont agrégées, des formes sont apparues et nous les avons habitées pour nous imprégner de leur sens à venir. C’est le contraire d’un projet. C’est ce qui advient quand on se laisse faire par les forces qui nous font et nous font faire. C’est ce qu’on appelle un travail de création.

Un mot encore, sur l’école cette fois-ci. Car c’est d’elle aussi dont je parle, depuis laquelle, me semble t-il, je n’ai jamais cessé de parler. L’école, concernant le théâtre, est étrangère à la scolarité. Aucun savoir ne s’y dispense. Elle est la pratique réitérée d’une source et d’un soupçon. Les choses y sont obscures et violentes, confondues et confondantes, impossibles, féroces, secrètes, sensuelles, puissantes, à la fois précoces et en retard, poreuses, étroites et grossières, monstrueuses, discrètes, délicates, arides, légères, blessantes, sublimes et friables. Quelque chose y pousse dans la clandestinité et la témérité des graines qui fouillent de sillons la terre toujours déjà foulée par d’autres, morts ou vivants, d’ici ou d’ailleurs. Le travail y consiste alors à ne surtout pas vouloir faire mourir la graine en fruit. Car les fruits sont pour demain. Aujourd’hui, nous travaillons à savourer le rêve et le désir d’un fruit. Et le spectacle DOLLDRUMS se veut comme la morsure d’un de ces fruits rêvés. Un appétit dévorant d’avenir. Du moins, tel est mon souhait et l’exigence que je partage avec Fanny Barthod, Léïa Besnier, Pierre Bienaimé, Laurence Bolé, Adeline Bracq, Étienne Caloone, Théophile Chevaux, Stan Dentz-Marzin, Claire Freyermuth, Camille Grillères, Noémie Guille, Mélanie Helfer, Guilhem Logerot et Théotime Ouaniche, au côté de mon acolyte-ami Charles-Henri Wolff.


Création d’un des spectacles de sortie
de la promotion 2022

• Du 18 octobre au 13 novembre 2021 •

Texte et Mise en scène Charly Breton
Collaboration artistique Charles-Henri Wolff
Scénographie en cours

Lumière Claire Eloy
Son en cours
Régie plateau, construction Rémi Jabveneau
Costumes Katia Ferreira

Avec Fanny Barthod, Léïa Besnier, Pierre Bienaimé, Laurence Bolé, Adeline Bracq, Étienne Caloone, Théophile Chevaux, Stan Dentz-Marzin, Claire Freyermuth, Camille Grillères, Noémie Guille, Mélanie Helfer, Guilhem Logerot, Théotime Ouaniche
et Charles-Henri Wolff

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