Histoire(s) de larmes
Est-on une bonne comédienne parce qu’on pleure sur un plateau ? Larmes de crocodile ou « vraies » larmes ? Laetitia Spigarelli, autrice, actrice, pleure beaucoup dans la vie. Au point qu’elle a voulu faire de ce spectacle une sorte d’épopée lacrymale où vie personnelle et vie professionnelle se mêlent.
Mais comment fait-on quand on est acteur pour pleurer à la demande ? Question cent fois posée à ceux qui font profession de relayer des émotions sur une scène. De les feindre ? Ou de les ressentir ? Et puis, plus largement, qu’est-ce que les larmes ont à nous apprendre ? Car c’est un curieux état que celui des pleurs. On peut pleurer de joie, de rire. On peut, comme chez Chaplin, passer en une image du sourire aux larmes… C’est cet entre-deux que cette création – souvent paradoxalement drôle – explore : un peu biographique, un peu fictionnel, toujours touchant au plus juste. Car les larmes sont l’envers de la célèbre formule : comme le rire, elles sont le propre de l’homme. Laetitia Spigarelli, joliment, aime les voir comme « une mer intérieure qui relierait tous les humains et d’où, parfois, s’échapperait un ruisseau coulant sur un visage ». Explorer ce moment où l’émotion emporte tout, où les conventions – un homme ne pleure pas, on ne montre pas qu’on a mal – sont balayées, c’est l’histoire des larmes. De l’humanité. Universelle
Hangar Théâtre – Vendredi 2 juin à 20h, samedi 3 juin à 18h et dimanche 4 juin, à 18h – Durée estimée 1h20
Crédit photo : François Jérôme
J’ai une épée
Texte et mise en scène de Léa Drouet
Avec la sensibilité qui est la sienne, Léa Drouet, après Violences en 2022, souhaite s’approcher ici de l’enfance en passant par de toutes autres catégories que celles – si souvent usitées quand il s’agit des « plus petits » – de victimes, de vulnérables, d’à protéger…
Faire ce pas de plus en direction de l’enfance ne permet pas pour autant d’y trouver d’emblée la manière juste et ajustée d’approcher l’enfance. Car ce que l’on trouve d’abord et qui constitue comme le revers d’une pièce de monnaie qu’on continue de jouer depuis longtemps, c’est, au dos de « l’enfant à sauver », l’image de « l’enfant à corriger, éduquer, former ». Au verso du « petit ange innocent », on trouve bien souvent le danger du petit délinquant qui, si l’on ne « cadre pas bien » le premier risque toujours de faire irruption. Ici, l’enfant n’est plus mignon mais terrorisant, porteur d’une terrible puissance de déconstruction, de dérèglement, de tremblement des fondations qui effraient les « grands », leurs avancées solides et leurs progrès assurés…
L’enfant devient la menace première de toute une civilisation qui, pour s’en défier, le fabrique en objet d’un amour inconditionné voire… dévorant. Mais dans la gueule du monstre, il est toujours possible de trouver une épée… Dans cette pièce, Léa Drouet poursuit son travail de déchiffrage des imageries établies comme son engagement dans la recherche des lignes obliques le long desquelles des singularités, mineures et minorisées, se façonnent à l’abri des regards et en résistant à l’étouffement des représentations.
Hangar Théâtre – Vendredi 2 juin à 18h, samedi 3 juin à 16h et dimanche 4 juin à 16h – Durée estimée 1h15
Crédit photo : Élodie Dauguet
Bande originale
Mise en scène de Old Masters, Sarah André, Marius Schaffter et Jérôme Stünzi
Arts modestes et arts majeurs. Abracadabrants « costumes » de scène et partition millimétrée. Comme si Bach faisait le carnaval de Rio. C’est le monde des Old Masters qui tissent un spectacle d’images et de mots à partir de la musique. Monde parfaitement allumé, faut-il le dire…
Soit un objet immatériel. Une symphonie en l’occurrence. Celle que Nicholas Stüklin a composée pour le spectacle. Jusqu’ici les trois membres de la compagnie Old Masters prenaient comme points de départ des objets palpables, costumes, scénographie, matériaux et regardaient où cela les menait. Dans quel univers, dans quelle « esthétique du dérisoire », comme ils disent. Mais cette fois, donc, de la musique, rien que de la musique. Et à eux de trouver un script, une dramaturgie qui puisse exprimer le récit que les notes recèlent. Le plateau devient alors un vaste champ ouvert à tout et surtout au plus inattendu : les costumes sont insensés, les textes qui défilent mêlent considérations politiques et récits biographiques, les tableaux sont minimalistes et chamarrés. La vie passe avec ses longues plages d’heureuse banalité, ses puissants moments de rire ou de deuil. Quels sont les plus importants, se demandent les Vieux Maîtres. Et nous, leurs disciples d’un jour, fascinés, intrigués, nous le demandons avec eux.
Hangar Théâtre – Mardi 13 juin et mercredi 14 juin à 20h – Durée 1h20
Crédit photo : Dorothée Thébert Filliger
Le souper
Texte et mise en scène de Julia Perazzini
Comédienne, performeuse, ventriloque, transformiste d’exception, Julia Perazzini imagine un dialogue avec son frère décédé. L’artiste invoque et désamorce sa propre peur de la mort pour l’offrir en miroir aux spectateurs et, une fois n’est pas coutume, l’envisager comme une puissance d’activation du vivant.
En conversant avec l’absent, Julia Perazzini élabore une déroutante alchimie entre souffle, corps et voix, qui réveille notre relation avec l’invisible, l’irrationnel, donne la parole aux recoins endeuillés ou figés de nous-mêmes. Elle méduse l’étrangeté, voire la légitimité, de la frontière entre ce qui est dit « absent » et dit « présent ». Pouvons-nous transgresser les règles des possibles connexions entre les êtres ? Il y va de la constitution d’un « nous ». Elle n’a pas connu ce frère, disparu avant qu’elle ne naisse. C’est ainsi dans un grand vent de liberté formelle, mais avec pudeur et délicatesse, que l’artiste s’autorise à rêver que la vitalité de son frère pourrait réinsuffler de la vie là où les choses sont gelées, révélant ce terreau créatif et incorruptible de nos parties enfouies. Passé et présent, conscient et inconscient se cognent, laissant jaillir par étincelles les failles des mosaïques qui nous composent, tous ces petits « jeux » au sens mécanique qu’explore méticuleusement l’artiste. Sur une scène presque vide se livre un jeu qui flirte avec le « non-jeu », soulignant la finesse de l’écriture, et, surtout, la déconcertante performativité de Julia Perazzini. Une sublimation psycho-magique de nos angoisses.
Hangar Théâtre – Vendredi 16 juin à 18h et samedi 17 juin à 17h – Durée 1h10
Crédit photo : Dorothée Thébert Filliger
Hartaqāt (Hérésies)
Textes de Souhaib Ayoub, Bilal Khbeiz, Rana Issa – Mise en scène de Lina Majdalanie et Rabih Mroué
S’inspirant de trois plumes d’auteurs d’origine libanaise et de générations différentes, Lina Majdalanie et Rabih Mroué, dont la puissance théâtrale est inextricablement liée à l’engagement, mènent ici une profonde réflexion sur les frontières : entre les pays, les genres, les classes sociales, les religions. Une magnifique méditation à partager, puisée dans les corps, les désirs, l’école, la mosquée, le cimetière, la rue…
Certaines œuvres parviennent, en entrant par la petite histoire, à nous faire pénétrer la grande. Hartaqāt est de celles-ci. Sans aucune prétention ni à l’historicité, ni à l’exhaustivité, encore moins à l’objectivité, les deux complices artistiques de longue date proposent, à travers trois écrits intimes, une véritable traversée de ces dernières décennies de l’Histoire du Liban. Composée comme un triptyque de formes, temporalités et atmosphères plurielles, la pièce entière gage audacieusement sur l’épure scénographique, la présence des comédiens et une atypique adresse au public, troublante, pour faire entendre des récits, des propos, des sentiments dans toute l’intensité de leur humanité. Car il y va de guerre civile, de vie enfermée dans des camps, d’exil, de quête d’identité… Beaucoup d’amour, un peu d’humour, une subtilité au service des textes et un grand sens du rythme font le lien entre ces trois tranches d’histoire ; et la musique ou le physique sont là, au plateau, pour prendre le relai du langage quand il pourrait devenir obscène, brutal, ou simplement tomber dans l’impasse de l’ineffable. Un moment rare, qui laisse des traces.
Hangar Théâtre – Jeudi 8 juin à 21h, vendredi 9 juin à 19h et samedi 10 juin à 18h – Durée 2h
Crédit photo : Nora Rupp
Spectacles proposés
en représentations au Hangar Théâtre
dans le cadre du Printemps des comédiens.
Du 2 au 17 juin 2023
• Festival •
HISTOIRE(S) DE LARMES
Représentations :
• Vendredi 2 juin, 20h
• Samedi 3 juin, 18h
• Dimanche 4 juin, 18h
Texte et mise scène Laetitia Spigarelli / Avec Pauline Lorillard, Elena Martimanza, Francesco Spaziani, Laetitia Spigarelli / Conception et mise en scène Laetitia Spigarelli / Administrateur de la compagnie Thomas Aubepart / Production Printemps des Comédiens Montpellier ; Cie Alkimia
J’AI UNE ÉPÉE
Représentations :
• Vendredi 2 juin, 18h
• Samedi 3 juin, 16h
• Dimanche 4 juin, 16h
Metteuse en scène, autrice, interprète Léa Drouet / Dramaturgie Camille Louis / Scénographie Élodie Dauguet / Musique Èlg / Lumières Nicolas Olivier / Costumes Eugénie Poste / Régie générale François Bodeux / Assistanat à la mise en scène Marion Menan / Développement de production, diffusion France Morin / Anna Six, AMA Brussels
BANDE ORIGINALE
Représentations :
• Mardi 13 juin, 20h
• Mercredi 14 juin, 20h
Avec Sarah André, Marius Schaffter, Jérôme Stünzi / Une pièce de Old Masters / Musique originale Nicholas Stücklin / Texte, mise en scène, scénographie, costumes, interprétation Sarah André,
Marius Schaffter, Jérôme Stünzi / Création lumières Joana Oliveira / Régie lumières Édouard Hugli / Collaboration artistique Anne Delahaye / Administration Laure Chapel – Pâquis production
/ Diffusion Tristan Barani
LE SOUPER
Représentations :
• Vendredi 16 juin, 18h
• Samedi 17 juin, 17h
Avec Julia Perazzini / Écriture, conception, jeu Julia Perazzini / Musique live Samuel Pajand / Lumière Philippe Gladieux / Collaboration artistique et dramaturgie Louis Bonard
/ Assistant scénographie Vincent Deblue / Regard extérieur Yves-Noël Genod / Régie son Marvin Jean / Costume Karine Dubois / Administration et diffusion Tutu Production – Véronique Maréchal
HARTAQĀT (HÉRÉSIES)
Représentations :
• Jeudi 8 juin, 21h
• Vendredi 9 juin, 19h
• Samedi 10 juin, 18h
Avec Souhaib Ayoub, Raed Yassin, Lina Majdalanie / Conception et mise en scène Lina Majdalanie, Rabih Mroué / Textes Rana Issa, Souhaib Ayoub, Bilal Khbeiz / Musique Raed Yassin